Le stress est un mécanisme d’adaptation, une réaction plus ou moins intense à des situations de notre existence : un mariage, la mort d’un proche, etc. Un événement positif ou négatif, donc, qui perturbe l’équilibre de l’organisme. Le stress se présente lorsque nous nous sentons dans une situation inhabituelle, exigeante, inconfortable ou menaçante. Le choc post-traumatique, quant à lui, se manifeste à la suite d’un événement rien de moins que traumatisant.On peut diviser ce trouble réactionnel en deux catégories : le stress post-traumatique classique, dont l’élément déclencheur n’est aucunement anticipé – tel que les attentats de Paris – et le choc post-traumatique répétitif, c’est-à-dire une situation anticipée et qui se répète continuellement – par exemple, l’époux ou l’épouse qui est victime de violence conjugale chaque soir. Selon Alain Brunet, spécialiste en ESPT (état de stress post-traumatique) de l’Institut Douglas1 , les deux catégories se caractérisent par la confrontation « à la mort, à la peur de mourir ou […] lorsque son intégrité physique ou celle d’une autre personne a pu être menacée ». Les conséquences émotionnelles se décrivent par « une peur intense, un sentiment d’impuissance ou d’horreur ».Par ailleurs, le tableau des bouleversements traumatisants diffère selon le sexe et l’âge : 81 % des hommes ont déjà vécu un événement potentiellement traumatisant comparativement à 74 % des femmes. Toutefois, ils ne font pas face au même type de situation : ils sont davantage exposés à des agressions physiques ou à des accidents alors que les femmes affrontent plutôt des événements interpersonnels, tels des abus sexuels et de la violence conjugale. En outre, les femmes, selon des chercheurs, affichent deux fois plus de risques de développer un choc post-traumatique à la suite d’un épisode dit traumatisant (13 % contre 6 %).Au niveau de la petite enfance, le trouble devient distinct. L’enfant reconstitue le souvenir indélébile à travers ses jeux. Des spécialistes perçoivent ainsi chez certains des retards ou des dérèglements psychologiques au cours du développement. L’automutilation et les psychopathologies traduisent ce désordre cognitif.
Quels symptômes mettent la puce à l’oreille des psychologues et les amènent à poser ce diagnostic? Selon le DSM-V (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux), quatre grandes classes de symptômes caractérisent ce trouble réactionnel : la reviviscence, l’évitement, la dégradation continuelle de la santé mentale et l’hyperéveil.La reviviscence consiste à revivre continuellement la scène traumatisante. Elle survient par l’entremise de flashbacks, de cauchemars ou lors d’événements se rapprochant de près ou de loin à la scène. L’évitement se manifeste volontairement ou automatiquement face à toute connotation, ressemblance ou représentation associée au traumatisme ou perçu comme similaire. La dégradation continuelle s’illustre par une altération négative sur le plan cognitif et sur celui du tempérament. Autrement dit, chaque pensée et chaque acte tournent autour du désespoir. Parfois, cet élément s’apparente aux cas de dépression clinique. La dernière classe relève de l’hyperéveil : le patient fonctionne en mode survie. Le raisonnement et la relativité sont inhibés, l’environnement immédiat devient hostile et dangereux. Dans certains cas, deux formes spécifiques de cette psychopathologie émergent : la dépersonnalisation et la déréalisation. La première correspond à un sentiment de détachement de soi : assister au spectacle de sa propre vie et de ses processus mentaux (rêves, pensés, etc.). La suivante caractérise une impression répétée de percevoir l’environnement actuel comme une hallucination lointaine ou déformée.
La vie des personnes touchées, puis celle de leur entourage se transforment en enfer. Personne ne sait où donner de la tête. À court terme, les proches perçoivent un changement dans le comportement. La personne devient irritable, elle souffre d’insomnie, puis de cauchemars continus. Des signes associés à la dépression clinique se manifestent de plus en plus fréquemment : fatigue incessante, désintérêt omniprésent, perte de l’appétit. Les distorsions dans les relations interpersonnelles se multiplient. À ce stade, les symptômes persistent entre trois jours et un mois après le bouleversement. À long terme, le problème s’amplifie considérablement. Après plus d’un mois, les risques de dépression majeure augmentent (30 % - 80 %), l’apparition de complications menant à une forme chronique ou à des troubles mentaux additionnels, tels la toxicomanie et les troubles anxieux, évolue rapidement. Heureusement, diverses réadaptations psychologiques réussissent à améliorer la qualité de vie du patient et celle des proches.
Les possibilités de traitement prennent diverses formes. L’assistance professionnelle représente l’option la plus favorisée. Elle se divise en deux groupes : la thérapie psychologique, plus spécifiquement la thérapie cognitivo-comportementale axée sur le trauma, ou encore, le soutien d’organismes communautaires à la suite du traumatisme, tels que les CAVAC (centres d’aide aux victimes d’actes criminels). Par ailleurs, la participation des proches s’avère importante dans le processus de réhabilitation. « La présence d’un proche lors des thérapies, l’écoute empathique et le partage d’activités plaisantes améliorent le soutien social et la compréhension du trouble. » Néanmoins, ce soutien peut aussi s’avérer nuisible. Les comportements visant à éviter le sujet ou à banaliser l’événement accélèrent le développement du stress post-traumatique, souligne le chercheur Stéphane Guay à la suite de ses observations en laboratoire2 .Au cours des dernières décennies, la pharmacologie a fait ses preuves en matière de traitements thérapeutiques grâce, entre autres, aux antidépresseurs. Toutefois, une innovation hors du commun, encore au stade expérimental, fait jaser : la manipulation de la mémoire grâce à la médication. Imaginons notre mémoire comme un CD. Le processus de consolidation à long terme correspond à la gravure du CD. Dans le cas d’un ESPT, il y a une hyperconsolidation, donc une inscription profonde du moment traumatisant dans la mémoire à long terme3 . L’objectif consiste à rendre instable le souvenir par sa transmission de la mémoire à long terme vers celle à court terme. À partir de ce moment, l’administration du médicament neutralise les hormones responsables de la consolidation du trauma4 . D’ailleurs, une nouvelle intervention est reconnue par les experts depuis 2013 : l’EMDR (eye movement desensibilization and reprocessing) vise les mêmes objectifs, mais à travers la stimulation des sens (ouïe, vue et toucher). Les yeux du bénéficiaire doivent suivre le mouvement d’un objet tout en se remémorant son incident traumatisant. Ces poussées scientifiques changeront à jamais l’intervention clinique axée sur le trauma!
Si les traumatismes creusent de profonds sillons dans notre cerveau, il est heureux de voir qu’il existe désormais des pistes prometteuses permettant en quelque sorte de dissoudre les pensées obsessives. Des pistes que les chercheurs et les cliniciens interprètent comme une ruée vers l’or favorisant la résilience des patients. Utile, car la vie étant en soi imprévisible… Références :